Première partie

I. Transformations lors de la cuisson d'un oeuf avec chaleur

Lors d’une cuisson avec chaleur, l’œuf subit des transformations de texture notables ; le blanc coagule et le jaune devient compact.
Afin de comprendre ces transformations, il est nécessaire de se pencher dans un premier temps sur la constitution  de l’œuf pour ensuite s’intéresser aux réactions chimiques qui surviennent lors d’une cuisson « normale ».

A) Composition d’un œuf 

1- Qu'est-ce qu'un oeuf ?

Un œuf de poule se compose de plusieurs éléments spécifiques mais nous allons nous intéresser majoritairement au jaune et au blanc :
Sur le schéma ci-dessus on remarque qu’il existe deux types de blanc ; « le blanc épais » et le « blanc liquide », ces deux parties constituent ce que l’on appelle communément le « blanc d’œuf » ou albumen pour les plus scientifiques…
L’albumen est constitué de 88% d’eau et  de 12 % de protéines dont la principale est l’ovalbumine, faisant partie du groupe des albumines (protéines globulaires solubles dans l’eau).
Le jaune désigne la partie de l’œuf qui aurait été un embryon si l’œuf avait été fécondé.
Le jaune est constitué de vitamines, de sels minéraux, de matières grasses et de 16 % de protéines.


Dans notre étude de la composition de l’œuf, le terme « protéines » commence à se faire redondant, il serait donc intéressant maintenant de se pencher sur ces mystérieuses espèces chimiques…

2- Explications  concernant les protéines

Les protéines constituent l'élément de base de toute cellule vivante ; elles représentent la seule source d’azote, élément chimique indispensable à la vie.  
Les protéines sont constituées d’acides aminés, molécules caractérisées par leur groupement acide (HOOC) et leur fonction amine (NH2).
Il existe vingt acides aminés différents, l’Homme en a besoin de huit dits "essentiels". Certains acides aminés peuvent être synthétisés par l’organisme à partir d’autres molécules, d’autres doivent absolument être apportés par l’alimentation.
Voici le schéma d’un acide aminé :


La séquence d’acides aminés constitue la structure primaire de la protéine, cette dernière présente différentes structures :
- Structure primaire
-Structure secondaire
-Structure tertiaire, tridimensionnelle ou 3D


La structure secondaire est composée d'hélices alpha et de feuillets bêta :



Le polypeptide s’enroule sur lui-même grâce à des liaisons entre les différents acides aminés pour former les hélices α. Les protéines se replient aussi pour établir les feuillets β, en forme d' «  éventails».

De toutes ces structures, nous nous focaliserons surtout sur la structure tertiaire de la protéine car elle détermine sa fonction et conditionne son activité dans l’organisme.
Voici un schéma plus détaillé :

Les protéines, en temps normal, se recroquevillent sur elles-mêmes, c’est la structure tridimensionnelle, afin d’obtenir le moins de contact éventuel avec l’eau.
Quelques molécules hydrophobes ne pouvant former de liaisons hydrogènes se regroupent pour ne pas être en relation avec les molécules d’eau, créant ainsi l’effet hydrophobe.
La structure tridimensionnelle est formée grâce aux ponts disulfures et aux liaisons hydrogène. La liaison hydrogène est une interaction assez importante reliant un atome électronégatif, à un atome H (hydrogène). 
Les ponts disulfures résultent de deux atomes de soufre qui se joignent. 
La liaison ionique est formée par l’attraction de deux ions de signes inverses.

Maintenant que nous avons étudié la composition d’un œuf et découvert qu’il contenait de nombreuses protéines, il serait intéressant de savoir comment ces dernières réagissent lors d’une cuisson avec chaleur…           

B) Observations et réactions lors de la cuisson d'un oeuf avec chaleur

1- Texture de l'oeuf selon le mode préparatoire

L’œuf cuit se caractérise par un changement de couleur et de texture ; l’albumen passe d’une couleur translucide à blanche et le jaune devient compact tout en conservant sa couleur initiale.







Allons voir ce qu’il se passe au niveau moléculaire…


2- Réactions chimiques durant la cuisson d'un l’œuf avec chaleur 

Avant l’exposition à la chaleur, les protéines sont rassemblées en pelote (structure tridimentionelle).
Au cours de la cuisson de l’œuf, sous l’effet de la chaleur, les liaisons faibles qui composent la structure secondaire et tridimensionnelle vont se briser, les pelotes vont s’effilocher.
Les atomes ainsi libérés, s’agitent et ce qui engendre la modification des liaisons hydrogènes qui relient normalement les protéines.
La chaleur provoque un accroissement de l’énergie cinétique ce qui entraîne une vibration violente des protéines.
Vers 6O°C, les liaisons hydrogènes vont se rompre, entraînant un déroulement de la protéine : les structures secondaires et tertiaires disparaissent. D’autres interactions fragiles de la structure tertiaire sont également perturbées entre les chaines latérales des acides aminés se perturbent également comme les liaisons ioniques, les ponts disulfures. C’est la dénaturation des protéines sous l’effet d’un agent dénaturant qui est ici la chaleur.
En résumé, la chaleur provoque la dénaturation d’une protéine, c'est-à-dire le  bouleversement de la structure spatiale donc secondaire et tertiaire, sans rupture des liaisons peptidiques d’un polypeptide.
Cette dénaturation est irréversible car les protéines ne peuvent plus reconstituer leurs structures secondaire, tertiaire, ni quaternaire.


Suite à la dénaturation, la protéine est déroulée, certaines parties sont dévoilées et accessibles, elles peuvent alors s’associer à des molécules d’eau ou à d’autres protéines (grâce à des ponts disulfures).
Les polypeptides s’entourent d’une « gaine d’eau » comme l’ovalbumine par exemple.
Les protéines dépliées et organisées de façons différentes forment alors en quelque sorte un réseau bloquant les molécules d’H2O à l’intérieur, ce qui a pour effet de faire grossir la protéine (qui perd donc de sa mobilité).
Or, un aliment dont les molécules sont fixes et immobiles est par définition un solide. L’œuf durcit, donc la lumière ne peut plus passer à travers le blanc d’œuf : il passe du transparent au blanc opaque. C’est le processus de coagulation des protéines.
La coagulation des protéines du blanc absorbe l’énergie et conserve la température, empêchant  ainsi le jaune de coaguler. En effet, les protéines du blanc sont plus sensibles à la chaleur, elles coagulent vers 57°C alors que celles du jaune coagulent dès 65 °C.




L’étude de la constitution de l’œuf nous a appris que l’œuf était composé majoritairement de protéines et que ces dernières, sous l’influence de la chaleur, subissaient une dénaturation et une coagulation, toutes deux responsables de la texture de l’œuf après une cuisson « normale ».
Nous allons maintenant essayer de trouver divers moyens pour obtenir cette même texture sans avoir recours à l’utilisation de chaleur…