Troisième partie

III.Les effets des différents modes de cuisson de l’œuf sur l’organisme

Nous avons vu précédemment différents moyens de cuire un œuf sans chaleur, mais « ces types de cuisson » apportent-ils les mêmes effets sur l’organisme que l’œuf témoin ?


A- Suite à une cuisson de l'œuf avec chaleur

1- L'oeuf, cuit à une trop forte température agresse l'organisme

Lors d’une cuisson d’un œuf avec chaleur, la dénaturation des protéines s’effectue comme nous l’avons montré auparavant. Cette exposition entraînerait à une température trop élevée des effets néfastes pour la santé. Effectivement, après la coagulation, les molécules d’eau auparavant emprisonnées en réseau, s’évaporent rendant l’œuf de plus en plus dur.

En outre, si la température augmente de nouveau, ces enchaînements d’acides aminés dégageront alors des atomes de souffre qui s’associeraient aux atomes d’hydrogène pour former de l’hydrogène sulfuré, de couleur verte et odorante.

Durant la cuisson avec chaleur, une succession de réactions chimiques dites de Maillard, libèrent des substances toxiques cancérigènes et réduisent également la valeur nutritionnelle des aliments en dégradant les acides aminés essentiels. Ces réactions se produisant en présence de chaleur, font intervenir des molécules de glucose. La dégradation des molécules d’eau à la surface de l’aliment va prendre une coloration brune.

Pour prouver ces effets néfastes sur l’organisme, les tests à la leucocytose digestive vont nous permettre de soutenir cette idée. Cette technique consiste à suivre le taux de globules blancs dans le sang après l’ingestion d’aliments. Toutefois, il faut savoir que le corps soumis à une agression provoque une forte présence de leucocytes (globules blancs) appelée dans ce cas là, une hyperleucocytose. On remarquera bien que ce sont les modes de cuissons qui vont influencer les effets sur l’organisme. On s’intéressera au cours de cette expérience à l’œuf plus précisément.

- leucocytose normale : 5000 à 7000
- leucocytose après ingestion :
·        Oeufs crus montrent une leucocytose normale
·        Oeufs cuits à l'autoclave (cocotte-minute) donc à forte température = forte hyperleucocytose à 20000 et plus en quelques minutes
·        Oeufs au vinaigre, provoque également une forte hyperleucocytose

Nous  en concluons que l’œuf, cuit à une température élevée agresse l’organisme l’obligeant ainsi à mobiliser des globules blancs.
2- Difficultés encontrées par l'organisme lors de la digestion


L’ingestion de cet œuf dans l’organisme va se faire en plusieurs étapes :
Tout d’abord, l’œuf après ramollissement dans la bouche va se retrouver dans l’intestin où il va subir l’action de sucs digestifs, ces derniers sont des enzymes comme la pepsine, la trypsine …
Les enzymes sont des catalyseurs chimiques, elles accélèrent la vitesse de la transformation d’un substrat en un produit. Elles sont sécrétées par le foie et les cellules de l’intestin grêle, mais les plus importantes sont sécrétées par le pancréas. Leur rôle consiste à la dégradation des protéines en acides aminés qui vont être acheminés aux cellules par la circulation sanguine où elles seront utilisées pour l’élaboration de nouvelles protéines dans le corps.

L’organisme reçoit donc, par le biais de l’alimentation, les acides aminés essentiels. La majeure partie de cette digestion des protéines se produit dans le duodénum. Lors de cette digestion, les protéines sont digérées à 91% par l’organisme. En plus des acides aminés indispensables, l’œuf contient également tous les nutriments essentiels. En effet il contient des lipides (des triglycérides, catégorie majeure des lipides, cf. tests effectués), des glucides, des vitamines, des minéraux tels que le phosphore, le sélénium, le zinc et le fer (seulement au niveau du jaune d’œuf) et de l’eau. Ces éléments apportent à l’individu un bon métabolisme.

Il y a pour un adulte, huit acides aminés essentiels : le trypophane, la lysine, la méthionine, la phénilalanine, , la thréonine la valine, la leucine et l'isoleucine  indispensables pour la croissance et une bonne santé. Elles assurent une protection immunitaire, la transmission de l’influx nerveux, de l’énergie …

L’œuf, qualifié de « protéines de référence » par les nutritionnistes, contient parmi ces dernières, de la méthionine, de la phénylalanine, de la thréonine, de la tryptophane et de la valine.
D’une part, la méthionine sert au bon maintien de la fluidité de la membrane cellulaire, lutte contre les troubles du comportement, aide à l’élimination des métaux lourds … D’autre part, la phénylalanine atténue la sensation de faim, permet la fabrication de neurotransmetteurs comme l’adrénaline, mais peut se révéler toxique pour des individus atteints de phénylcétonurie.
En outre, la thréonine qui compose 4% des acides aminés apportés à notre organisme, aide à la formation du collagène et participe à la croissance des cartilages, des ligaments et au bon fonctionnement du système nerveux central. Ensuite, la tryptophane représente 1% des acides aminés des protéines. Elle est  ainsi très rare. Ses propriétés sont son aide à réduire les troubles du sommeil, l’anxiété mais aussi la dépression… Enfin, la valine est un stimulant naturel, elle permet également une régulation de la glycémie et prend part dans la régénération des tissus musculaires.

L’œuf n’est pas le seul aliment à posséder ces acides aminés, ils sont présents dans d’autres aliments et parfois en plus grande quantité.
Chaque aliment amène à l’organisme des protéines particulières, uniques, c’est pour cela qu’il est vital de varier l’alimentation.

B. Suite à une cuisson sans chaleur


Nous allons nous intéresser maintenant à une cuisson sans chaleur où nous verrons également les différents effets apportés sur l’organisme.
La dénaturation a toujours lieu ainsi que les étapes de la digestion de cet œuf. Néanmoins, les protéines présentes apportées par cet aliment vont recevoir des modifications et ne vont pas forcément amener toutes leurs vertus.

1- Effets des solutions acides


Nous allons regrouper l’acide chlorhydrique et le vinaigre puisque ces derniers possèdent tous les deux un pH compris entre 1 et 3, c’est ainsi un liquide acide.

L’expérience de l’œuf au vinaigre doit s’effectuer pendant plusieurs mois. L’œuf est donc devenu immangeable contenant désormais un trop faible pH. De plus, le test à la leucocytose digestive a montré la présence d’une hyperleucocytose pour la digestion de vinaigre ; il y a  bien une agression provoquée sur l’organisme.
Cependant, supposons qu’une personne mange l'oeuf "cuit" grâce aux solutions acides, les effets sur l’organisme sont, sans surprise, néfastes dans les deux cas (acide ou vinaigre).
L’œuf qui est très acide provoquerait sur notre corps, de fortes brûlures, des lésions de la bouche, de l'œsophage et du tube digestif.  Il y a également un danger de perforation pour l'œsophage et de l'estomac. Puis, après une phase de latence, l’individu sera atteint d’insuffisance cardio-vasculaire.

Au niveau des apports en protéines, nous avons vu dans le test à la réaction de Biuret que les liaisons peptidiques étaient rompues en présence d’acide. Donc ces liaisons sont déjà rompues avant toute ingestion. Ainsi les protéines sont détruites et inactives étant donné que leur structure n’existe plus.
Même si la présence d’acide est dangereuse pour le corps, les protéines ne sont plus en mesure d’apporter les acides aminés essentiels à l’organisme.

2- Effets des solutions basiques
Nous allons nous intéresser désormais aux solutions basiques ; elle présentent un pH plus élevé compris entre 7 et 14. Dans les expériences précédentes (cf deuxième partie), nous avons utilisé de l’hydroxyde de sodium, communément appelé soude (NaOH) pour "cuire" notre oeuf.
Cette espèce chimique est une base forte, elle possède alors un pKa (constante d’acidité) supérieur à 14.
Or, nous savons qu’une base comme celle-ci ne peut pas être ingérée car ce produit est hautement corrosif.

En cas d’ingestion, l’individu risque la corrosion des voies digestives, des fortes douleurs, des vomissements sanglants, la diarrhée, une inflammation du larynx et peut être une perforation œsophagienne et gastrique, …Tous ces syndromes dépendent évidemment de la concentration de la soude ingérée.

Finalement, au niveau des protéines, l’œuf imbibé de soude provoquera plus de dommages physiques que d’apports nutritionnels. Ainsi, les acides aminés essentiels qu’aurait pu apporter cet œuf ont été dégradés par l’hydroxyde de sodium.

3- Effets de l'éthanol


Nous traiterons maintenant de la cuisson d’un œuf plongé dans de l’éthanol à 90° : l’œuf est devenu presque immangeable puisque l’éthanol est trop fortement concentré. Néanmoins, les effets sur l’organisme sont différents mais toutefois néfastes.

Nous savons bien que l’alcool est dangereux pour la santé. Une utilisation exceptionnelle comme ici, entraîne tout de même de fortes répercussions sur le corps : les premiers effets apparaissent rapidement après absorption. Il y aura alors une baisse des fonctions motrices avec une perte d’équilibre, des troubles de coordination et de la vision, une légère euphorie, des nausées…

Au niveau des protéines, l’alcool hautement concentré va agir sur les fonctions des acides aminés. Ainsi, cette cuisson par de l’éthanol à 90° affecte également le bon fonctionnement de l’organisme puisque ce dernier est dans l’incapacité de bénéficier des vertus des acides aminés. Cette privation est produite par la réduction de la capacité de l’intestin à résorber les protéines dues à cet excès d’alcool.
 C’est pour cela, qu’Hervé This, cuisinier moléculaire ayant déjà fait cette expérience, va remplacer en cuisine l’éthanol à 90° par un autre alcool beaucoup moins concentré, qu' est l’eau de vie.


   Dans la partie précédente, nous avons vu que l’œuf « cuit » à l’alcool et à la soude ressemblait fortement à l’œuf témoin sur un plan visuel et moléculaire. Cependant, malgré ces ressemblances, l’œuf  est dans l’incapacité de répondre aux besoins nutritionnels de l’organisme car l’alcool et la soude s’attaquent à l’appareil digestif empêchant ainsi l’action des sucs digestifs. Il en est de même pour le vinaigre, à l’exception que ce dernier ne donne pas un aspect visuel satisfaisant.

Cette incapacité de l’organisme à intercepter les acides aminés provoquera ainsi une carence en protéines si l’individu consomme cet aliment d’une manière régulière (excluons le fait que ces œufs sont immangeables et dangereux pour la personne).
Ces carences provoquées peuvent engendrer un arrêt ou le ralentissement de la croissance chez une personne jeune. Mais également des troubles de développement tissulaires, une baisse du système immunitaire, de la fatigue … Ces symptômes sont fréquemment présents chez des individus âgés, des sportifs, les anorexiques, … Pour compenser ces manques, l’organisme sera contraint de fournir ses propres acides aminés en les prenant au niveau des muscles et au niveau du sang.

à l’inverse, une consommation importante des ces protéines va être transformée en graisse puis stockée. De plus, cette transformation en gras libère de l’azote, le groupement amine des acides aminés, qui sera convertit en urée, puis formera de l’urine.


4- Effets d'une "cuisson" par le froid

Enfin, nous avons réalisé deux dernières expériences avec une « cuisson » par le froid : la congélation et l’utilisation de l’azote.
Ce sont ces expériences les plus semblables à un œuf cuit avec chaleur au niveau des apports nutritionnels apporté à l’organisme.

Pour l’expérience à l’azote, nous devons attendre quelques minutes après la plongée des blancs d’œuf dans le récipient (cf. vidéo meringue azote) puisque sinon la température extrêmement froide de ce liquide va geler les parties en contact avec ces blancs.

Au niveau des protéines, pour le froid en général, elles sont intactes car en effet cette méthode est connue de nos jours dans le domaine alimentaire pour sa bonne conservation de la nourriture. Ainsi l’œuf refroidit par un congélateur ou des blancs d’œufs cuit par de l’azote liquide, va apporter à l’organisme, après ingestion, les acides aminés essentiels le composant ainsi que les autres nutriments présent dans un œuf. Leurs effets seront similaires à un œuf cuit avec de la chaleur. Il n’y aura dans ce cas là aucune carence possible. Il en est de même pour l’œuf de cent ans inscrit dans les traditions culinaires asiatiques depuis de nombreuses années.

Au final, il apparait que seule la « cuisson » d’un œuf par le froid, l’alcool, remplacé par de l’eau de vie (à la façon d’Hervé This), et l’œuf de cent ans, apportent à l’organisme la majorité des nutriments qui le compose et seront les plus susceptibles d’être repris en cuisine dans la vie quotidienne ou par des grands cuisiniers.